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les vieuxDes propos qui nous ont parus fort intéressants à quelques jours du scrutin

Monique Pelletier, avocate et ancienne ministre, membre honoraire du Conseil constitutionnel, estime que les "vieux" sont les grands oubliés de la campagne présidentielle et
appelle les personnes âgées à "s'indigner".

Aucun candidat n'a présenté un ­programme destiné aux "vieux" durant la campagne pour la présidentielle. Pourtant, l'espérance de vie a considérablement augmenté. En 2050, 5 millions de Français auront plus de 85 ans. Les gouvernements qui se ­succèdent tiennent un étrange discours, dans lequel le fait de vieillir est considéré comme un problème, l'équivalent d'une maladie. A cette approche médico-sociale s'ajoute une sorte de constat d'impuissance : l'équation financière – le coût pour les générations à venir – serait insoluble. Ce discours m'indigne. Cette façon de traiter les personnes âgées comme une charge est insupportable. Les plus de 80 ans dérangent : ils vivent trop longtemps.

Pourtant, parmi ces "vieux", seuls 10% deviennent "dépendants". Ce pourcentage ne devrait pas varier. Il en reste donc 90% qui, malgré leurs fragilités, restent actifs. Pourquoi les exclure? Pourquoi passer sous silence les mille services qu'ils rendent? Animation de clubs de sport, de loisirs, d'associations culturelles ; aide aux jeunes dans leurs recherches d'emploi et de formation. Sans compter la garde des enfants, auxquels ils consacrent un nombre d'heures considérable! La société profite de cet apport mais ne leur propose rien, sinon une vie amoindrie.
"Il est inadmissible que l'avancée en âge altère les droits"

Les "vieux" n'ont pas la possibilité d'investir : il leur est difficile d'emprunter. On hésite à leur louer un logement compte tenu du droit au maintien dans les lieux – censé les protéger. Rien n'est vraiment fait pour leur permettre de participer à la vie de la cité. Circuler est un casse-tête. A Paris, il est impossible pour qui marche mal de prendre le métro : escaliers trop nombreux, escalators et ascenseurs trop rares. Enfin, la liberté de communiquer de ceux qui ne savent pas se servir d'un ordinateur ou d'un téléphone portable est de plus en plus restreinte.

Il est inadmissible que l'avancée en âge, étape naturelle de la vie, altère les droits, les devoirs et, pire, la dignité de la personne. Le placement en Ehpad en est la plus criante illustration. Habiter chez soi, continuer d'y vivre et y mourir est le vœu de neuf personnes sur dix dans toute l'Europe. Qui aimerait finir sa vie dans un mouroir, où la maltraitance liée au manque de personnel est un risque réel? Tous les jours, des "vieux" y souffrent alors que le maintien au domicile est moins onéreux que l'hébergement collectif.

    L'essentiel est de modifier nos ­comportements à l'égard des "vieux"
Lorsque la situation de dépendance s'installe, elle nécessite des soins quotidiens et une assistance ménagère qui incombent, en France, aux 6 millions "d'aidants familiaux" (conjoints, filles, belles-filles...). Si le parent dépendant vit chez lui, ces aidants assument la quasi-totalité de l'aide dont il a besoin. S'il est en institution, ils financent son hébergement. Beaucoup y sacrifient leur vie personnelle et professionnelle. Or la dernière loi sur le vieillissement n'a accordé à ces aidants qu'une semaine de répit par an à 500 euros!

Les générations actuelles ne pourront ni ne voudront assumer une telle charge. C'est donc aux pouvoirs publics de prendre la mesure du problème de la dépendance, et de mettre fin à la détresse des familles concernées.

"Nous serons tous 'vieux' demain"
Quelques mesures simples devraient être adoptées très rapidement : amélioration de l'accès aux droits (allocation personnalisée d'autonomie) ; création d'un deuxième jour férié travaillé en plus du lundi de Pentecôte ; invention d'une profession de "généralistes" de l'aide à domicile, gratuite pour les démunis ; incitation à proposer de vraies assurances privées dépendance. Toutes ces mesures et d'autres pourraient constituer la base d'un "plan dépendance", aussi ambitieux et structurant que les plans cancer successifs.

Mais l'essentiel est de modifier nos ­comportements à l'égard des "vieux". Et d'envisager les dernières années de vie avec les personnes âgées elles-mêmes. Candidats d'aujourd'hui, électeurs, nous serons tous "vieux" demain. Réveillons-nous.

source : http://www.lejdd.fr
crédit photo : http://www.dargaud.com


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